Je n’aime plus la compagnie des hommes. Bien souvent j’ai été fâché contre eux, contre toi, contre lui. Usé par vos blagues, fatigué par vos insultes, blessé par votre rejet. Fâché de ne pas avoir de place dans l’ordre social actuel auquel vous participez. Énervé de cet ordre construit par vous et pour eux. Je n’ai pas admis le rôle de genre viril de l’homme qui lui permet de dominer. Ce rôle d’homme qui m’oppresse dès lors que je fais un pas de côté par rapport à votre injonction. Je suis fâché parce que frustré de devoir me confronter à vous tous les jours. Vous qui me dévisagez. Eux qui me méprisent. Je suis frustré parce qu’on vit dans le même monde et pourtant, plus je vous connais plus je vous déteste. Ils peuvent être l’objet de tous mes désirs mais plus souvent celui de toute ma haine et mon mépris. Je suppose que dans ma détestation des hommes il y a ma propre projection de ce que je déteste dans ma construction. Cette construction à laquelle vous nous avez assujetti. Vous avez bâti un système binaire à votre image en m’incluant dans ce programme. Votre programme a été que tous vos discours soient les seuls valables. Que vous soyez les seuls à produire le savoir. Je vous déteste. Maintenant tu es bien mieux à l’écart d’eux. À l’écart de cette masculinité dominante. Tu la déconstruis petit à petit comme si tu tuais une partie de moi. Tu t’épanouis dans cet écart, mais vous n’hésitez pas à interpeller pour rappeler à l’ordre. Tu fais tout pour marquer cet écart avec eux, tellement je ne veux plus leur ressembler. C’est ta manière d’opérer un sevrage. Aujourd’hui tu as plus de colère que d’envie ou de pitié pour ce vieux monde. Grâce à toi j’ai gagné quelques batailles sur leur masculinité dominante que l’enfant que nous étions enviait sans jamais pouvoir l’atteindre. Cette chose qu’ils ont voulu nous inculquer, à laquelle je devais ressembler, m’a toujours mis mal à l’aise. Ces invectives t’ont toujours mis en dehors du monde. J’ai du créer des interstices pour construire un autre. Un autre rapport au corps, à la sexualité, à l’expression de genre et à l’identité, que celui qui m’était imposé. Un autre moi, toi. J’ai honte d’avoir été assimilé à ça un moment dans ma vie. Il faudrait tout casser et tout refaire. Parce que c’est de cela qu’il s’agit. Créer une alternative est un chantier sans fin. Parce que vous êtes tellement imbus de pouvoir que c’est se battre contre des moulins à vent. L’heure n’est plus aux compromis à mon sens, mais à la destruction de ces rôles de genre archaïques.